Conférences de L'Unebévue 2010
Lydia Marinelli, 19 Berggasse
par Sylviane Lecoeuvre
Samedi 6 février
à L'Entrepôt 7 à 9 rue de Pressensé 75014 PARIS
Argument
19, Berggasse : au cœur de Vienne, Freud y vécut de 1891 à 1938 avec les siens et y travailla, au 1er étage, de 1891 à 1892, puis il installa son cabinet en 1892 dans un trois pièces au rez-de-chaussée et il revint en 1907 au 1er étage.
Adresse personnelle mais également lieu de découverte, d'invention, d'élaboration puisque Freud, dès 1902, recevra dans son appartement privé la Société Psychologique du Mercredi : « dans ce petit cercle réunissant au départ les médecins Max Kahane, Rudolf Reitler, Alfred Adler et Wilhelm Steckel, mais qui ne tarda pas à s'ouvrir à des non médecins, on proposait à la discussion du matériel clinique, de façon informelle et sur le mode du « communisme intellectuel » écrivent Lydia Marinelli et Andreas Mayer en 2002 dans leur livre Träume nach Freud. Die Traumdeutung und die Geschichte der psychoanalytischen Bewegung récemment traduit en français sous le titre Rêver avec Freud. L'histoire collective de l'Interprétation du rêve.
En 1910 il ne reste rien de la Société du Mercredi . Elle cède la place à l'Association Psychanalytique de Vienne qui servira de modèle à toutes les sociétés regroupées dans l'IPA. À partir de 1910, l'effervescence des débuts disparaît au profit d'une institutionnalisation de la psychanalyse et d'une pratique de plus en plus codifiée.
Freud quitte Vienne le 4 juin 1938 pour rejoindre Londres sous la menace nazie et c'est aussi tout le mouvement viennois qui s'exile. Qu'emporte-t-il avec lui ?
En 1969, avec la création de la Société Sigmund Freud, Sigmund Freud Gesellschaft, le 19, Berggasse prend une toute autre configuration : celle d'un musée, comme lieu d'héritage et producteur culturel par excellence. Progressivement un discours se construit, une histoire et des représentations particulières qui concernent une matérialité du passé. La fabrication active d'un public/consommateur tributaire du discours dominant, telle semble être la pente empruntée par le Musée Freud depuis sa privatisation en 2003.
Lydia Marinelli, native du Tyrol, commence en 1992 à travailler à Vienne comme simple collaboratrice à la Société Sigmund Freud, elle a vingt-sept ans. Elle devient, à partir de 1999, directrice scientifique de cette Société. Elle n'a de cesse de proposer d'autres lignes de lecture, d'autres chiffrages, de discuter le lien entre l'histoire de la psychanalyse, l'histoire et la psychanalyse. En fabriquant en 2003 sa grande exposition : « Les voisins disparus de Freud » dans un contexte de réorganisation administrative et statutaire du Musée lourd de conséquences, elle propose « de l'intérieur » une visibilité à ce lieu « prélevé» en 1939 pour être réquisitionné et méticuleusement intégré à une machine de mort . A travers une installation très rigoureuse, une attention particulière est portée aux modes de construction de la réalité . Les controverses sont fortes.
Car Lydia Marinelli a une façon de se mettre en travers des discours établis, de construire les expositions, de traiter des archives, c'est ce que confirment ses textes, si on en juge la traduction récente de son livre sur l'Interprétation du rêve comme fruit du travail collectif lié à l'histoire agitée du mouvement psychanalytique, écrit en collaboration avec Andréas Mayer : la thèse défendue par Ilse Grubrich-Simitis, éditrice de Freud en Allemagne, centrée sur Freud comme seul auteur de la Traumdeutung s'en trouve passablement bousculée.
Au printemps et à l'été 2008, Lydia Marinelli part en mission à Berlin et revient début septembre à Vienne avec en tête une grande exposition sur Freud en exil. Le 08 septembre, jour de reprise de son travail au Musée elle se jette par la fenêtre de son appartement.
Au fil des polémiques qui continuent d'empoisonner le Musée Freud, au fil des alliances et des mésalliances, la défiance des analystes à l'égard du 19, Berggasse pose de façon plus large la question de la psychanalyse aujourd'hui, et pas seulement à Vienne.
Participation aux frais 10€ (Tarif réduit 5€)