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devenir idiot iDevenri idiot

Julio Barrera-Oro

 avec Mayette Viltard

Samedi 13 février 2016, à L'Entrepôt 7 & 9 rue Francis de Pressensé Paris 75014

Argument

 

Je ne suis qu 'un être très normal qui se donne toute peine de s'idiotiser.
Tristan Tzara, 1919.

Au mois de novembre un événement s'est produit pour moi. J'ai visité, au Musée d'Art Moderne de cette belle ville de Strasbourg, une exposition rétrospective concernant Tristan Tzara.
J'avais oublié. Oublié que Tzara avait vécu les dernières années de sa vie au 5 rue de Lille et que là, il avait été interviewé un mois avant sa mort par Madeleine Chapsal. Oublié que dans ce recueil d'entretiens En avant la petite musique il y a un entretien avec Lacan de mai 1957 dont je n'avais retenu que des anecdotes : ce qu'il pouvait dire de ses élèves, les diners en ville, les cigares, les invi­tés à Guitrancourt, etc... Mais toute la puissante machine théorique qu'il était en train de mettre en route depuis plusieurs années déjà dans sa construction, dans sa cohérence, m'avait quasiment échappé. J'avais des bribes : la linguistique, le signifiant, la vérité, le savoir... Oublié aussi que Tzara pendant la deuxième guerre mondiale avait trouvé refuge à Saint-Alban avec Eluard et Canguilhem par l'intermédiaire de Daumezon et que de cette expérience il avait écrit un livre avec des illustrations de Miré Parler Seul.
Très grand connaisseur du dadaïsme, Marc Dachy analyse pourquoi Tzara et le dadaïsme sont largement méconnus aujourd'hui. Dans la plupart des cas, on les situe entre le cubisme et le surréalisme, pour les plus instruits entre le futu­risme et le constructivisme, et Tzara, pour la vulgate, appartient vaguement au surréalisme, plus ou moins disciple de Breton . Or rien n'est plus faux. Ceci s'ex­plique en partie, dit encore Dachy, par le fait que son œuvre a été très peu dif­fusée. Or, il s'agit du vrai mouvement révolutionnaire artistique du XXe siècle. Ils ont révolutionné la peinture, la question de la représentation, la poésie, le graphisme, la sculpture , l'architecture, la musique, l'image, le cinéma. Dachy considère que le manifeste de Zurich de 1918 n'a pas été encore lu. Il y est ques­tion entre autres choses, de psychanalyse. Les artistes sont des puissants agents de vérité. Le mouvement Dada dans ses fondements met en cause la façon de regar­der, de parler, de penser une époque, celle de la Grande Guerre. Marc Dachy dans son Dada & les dadaïsmes renouvelle la lecture de ce mouvement faisant valoir en premier lieu que loin d'être de l'anti-art les Dada ce sont employé à produire, comme le disait Tristan Tzara dans un de ses manifestes « un art plus art » . Et le thème de « l'idiotie » opposé par Tzara tantôt au futurisme italien (tract Dada soulève tout ), tantôt à l'art moderne ou à ses « directives », comme en général le refus par Tzara du concept « art moderne », est au sein de Dada une donnée fondamentale sous-estimée, mal comprise, bien que presque aussi cruciale que son refus de la logique.

Quelques livres :

Marc Dachy : Dada & les dadaïsme, Gallimard, folio essais, 1994 et 2011.
Dada, La révolte de l'art, Gallimard 2005.
Tristan Tzara, dompteur d 'acrobates, L'Echoppe, 1992.
Archives dada / chronique, Editions Hazan, Paris 2005.
Tristan Tzara, Œuvres Complètes Tome 1 1912-1924, Flammarion, texte établi, pré­senté et annoté par Henri Béhar.
Félix Guattari, Lignes de fuite - Pour un autre monde de possibles, 2011, Editions de l'Aube