WORKSHOP 2024
Métaphore et métaphore
avec Jean-Claude Molinier
samedi 20 janvier de 9h à 16H30
à L'Agora 64 rue du Père Corentin 75014 Paris
Métro ligne 4 Porte d’Orléans Bus 38 et 92 Tram T3a
Argument
Ce qui n'est pas de votre expérience, c'est perdu, perdu une bonne fois pour toutes.
Lacan, 4 nov 1973, La Grande Motte
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Radiophonie
Texte parlé au séminaire du 8 avril 1970 :
Quatrième question de Georgin : L’une des articulations possibles entre psycha- nalyse et linguistique ne serait-elle pas le privilège accordé à la métaphore et à la métonymie, par Jakobson sur le plan linguistique, et par vous sur le plan psychanalytique ?
Réponse de Lacan : Je ne vous lirai pas la réponse que j’ai fait à cette question, parce qu’elle est d’autant plus impertinente qu’elle m’emmerde. Il y a eu assez de bafouillage sur le fait que j’ai emprunté ou non la métaphore et la métonymie à Jakobson. Quand je les ai sorties, je croyais quand même que parmi mes auditeurs, il y en avait quelques-uns qui savaient ce que c’était, Jakobson ! Ils ne l’ont découvert que dans les quinze jours parce que je l’ai dit au sortir de mon truc. Seulement, là, on m’a dit : voilà bien Lacan, il ne cite pas Jakobson ! Après quoi, ils ont lu Jakobson et ils se sont aperçus que j’avais d’autant moins de raisons de citer Jakobson que je disais quelque chose de tout à fait différent. Et là ils m’ont dit : ah ! Mais il bouscule Jakobson, il le distord ! Bon, enfin, tout ça, c’est des anecdotes !
Texte publié dans Scilicet, fin de la 4ème question :
C’est que je ne métaphorise pas la métaphore, ni ne métonymise la métonymie pour dire qu’elles équivalent à la condensation et au virement dans l’inconscient. Mais je me déplace avec le déplacement du réel dans le symbolique, et je me condense pour faire poids de mes symboles dans le réel, comme il convient à sui- vre l’inconscient à la trace.
Radiophonie In Scilicet 2/3, Paris, Seuil, 1970, pp. 55-99.
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Comment savoir où s’arrêter dans L’interprétation des rêves ? Il est tout à fait impossible de comprendre ce qu’a voulu dire Freud dans L’Interprétation des rêves. C’est ce qui m’a fait délirer, il faut bien le dire, quand j’ai introduit la linguistique dans ce qu’on appelle une pâte bien efficace, tout au moins nous le suppo- sons, et qui est l’analyse.
Agir par l’intermédiaire de la pensée, c’est quelque chose qui confine à la débilité mentale. Cet acte, j’essaye de le produire par mon enseignement, c’est quand même du bafouillage. Nous confinons ici à la magie. L’analyse est une magie qui n’a de support que le fait que, certes, il n’y a pas de rapport sexuel, mais que les pensées s’orientent, se cristallisent, sur ce que Freud a imprudemment appelé le complexe d’Œdipe. Comment diriger une pensée pour que l’analyse opère ? La chose qui en est le plus près, c’est de se convaincre, si tant est que ce mot ait un sens, c’est de se convaincre que ça opère.
Lacan, Le moment de conclure, 11 avril 1978.
La mauvaise poésie est fausse… ; mais rien n’est plus vrai que la vraie poésie.
C.S. Peirce, CP.1.315.
C’est une réflexion comme ça que m’a inspiré le fait que pour ce qui est du Réel, on veut l’identifier à la matière… je proposerai plutôt de l’écrire comme ça : « l’âme à tiers ». Ce serait comme ça une façon plus sérieuse de se référer à ce quelque chose à quoi nous avons affaire, dont ce n’est pas pour rien qu’elle est homo- gène aux deux autres. Qu’un nommé Charles Sanders Peirce comme il s’appelait… vous le savez, j’ai déjà écrit ce nom, maintes et maintes fois… que ce Peirce était tout à fait frappé par le fait que le langage n’exprime pas à proprement parler la relation, c’est bien là quelque chose qui est frappant. Que le lan- gage ne permette pas une notation comme x ayant un certain type – et pas un autre – de relation avec y, c’est bien ce qui m’autorise – puisque Peirce lui-même articule qu’il faudrait pour ça une logique ternaire, et non pas, comme on en use, une logique binaire – c’est bien ce qui m’autorise à parler de « l’âme à tiers » comme de quelque chose qui nécessite un certain type de rapports logiques.
Jacques Lacan, L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre.
Séance du 11 janvier 1977.
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Comme l’oreille le corps se tend, d’une certaine manière, comme un corps « sans organe », « caisse de résonance » ou surface sensible, peau d’un instrument de percussion au-delà de ce qui s’entend. L’émotion (liée à l’abduction) étant ce qui résonne au-delà, comme sans raison, dans la mélodie sensorielle et sensuelle qui traverse un corps accablé ou réjoui d’affect. Il n’y a ni beauté ni laideur en cela, ni bien ni mal, ni bon ni mauvais…
Jean-Claude Molinier, American Skeleton ou l’autre imaginaire de Charles Sanders Peirce
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Cet « hors-soi » est représenté au plus haut point par la métaphore car, écrit J. Fisette, elle « inscrit un débordement du signe, une ouverture sur l’inconnu, pour tout dire, un risque sémiosique ». Le procès sémiotique manifesté dans l’hy- poicône-métaphore réalise une avancée de la sémiose jusqu’à sa limite extrême mais peut tout autant s’échouer dans l’absurde. Dumb. C’est de l’ordre d’une « catastrophe » toujours possible, latente, immanente comme l’exprimait G. Deleuze au regard de la création artistique. Mais c’est aussi le risque obligé d’une immanence vitale.
Jean-Claude Molinier, American Skeleton ou l’autre imaginaire de Charles Sanders Peirce
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Le matin
Présentation du workshop par Mayette Viltard, et dans la deuxième partie de la matinée, nous projetterons un film qui contribuera à nos interrogations à propos des dernières considérations de Lacan sur le fait que l’analysant soit art et qu’il fasse de la poésie.
L’après-midi
Le débat se développera sur la base du livre de Jean-Claude Molinier que L’unebévue vient de publier: American Skeleton ou l’autre imaginaire de Charles Sanders Peirce, en particulier le chapitre 18 sur l’Âme-à-tiers et la métaphore au sens de Peirce.
Texte disponible sur le site : unebevue.org
P. Thibaud, « La notion peircienne de métaphore », In Histoire, Épis- témologie, Langage, tome 16, fascicule 1, 1994.
Des livres
- Gilles Deleuze, Cours internet, « Sur le cinéma : une classification des signes et du temps », 7ème séance, 11 janvier 1983 (cours 28).
- Gilles Deleuze, L’image-temps, Éditions de Minuit, 1985.
- G. Deleuze et F. Guattari, Mille plateaux. Capitalisme et schizophré- nie-2, Les Éditions de Minuit, 1980.
- Pier Paolo Pasolini, L’expérience hérétique, Payot, 1976. Empirismo eretico, Garzanti 1972.
- Jean Fisette, « La rencontre de la sémiotique et de l’esthétique chez Peirce. L’état esthétique de l’esprit comme alternative à une science normative », in Esthétique et sémiotique, Aesthetics and Semiotics, volume 28-29, numéro 3-1, 2008-2009.
- Claudine Tiercelin, La pensée-signe. Études sur C.S. Peirce, Collège de France, collection « Philosophie de la Connaissance », 2013.
- Roman Jakobson, Linda R. Waugh, La charpente phonique du langage. Les Éditions de Minuit. Collection Arguments, 1980.
- R. Jakobson, Questions de poétique, Éditions du Seuil, collection Poétique, 1973.
- R. Jakobson, « Linguistique et poétique » in Essais de linguistique générale, tome I, 1963.
- E. Viveiros de Castro, « Métaphysiques cannibales. Lignes d’anthro- pologie post-structurale », Métaphysiques, PUF, 2009 ; L’inconstance de l’âme sauvage. Catholiques et cannibales dans le Brésil du XVIe siè- cle, coll. Histoire des religions, Labor et Fides, Genève, 2020.
- Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts, Zones Sensibles, 2017.
Vous trouverez les annonces et les textes proposés à la lecture sur le site de L’unebévue à www.unebevue.org.
Inscription sur place à 9h.
Participation aux frais
30 euros - tarif réduit possible.
adresse mail : unebevue@wanadoo.f r