Une école du balbutiement
Masochisme, lettre et répétition
Isabelle Mangou
l'unebévue-éditeur, ISBN : 2-914596-01-4, ISSN : 1284-8166, 126 p. 20€
Trois écoles sont ici convoquées : l'école des saturae, telle que Pascal Quignard peut la pratiquer, celle des nymphes, des Vénus et des amazones, telle qu'Aby Warburg l'a mise en jeu dans son immense bibliothèque, et celle de la Brahd Aranyaka Upanisad telle que Lacan l'indique à ses élèves-psychanalystes, trois écoles du balbutiement, où Renart, Wanda, Gradiva, nous enseignent que l'étreinte n'a qu'une lettre, une littera où s'accrocher. Le balbutiement, en ne prenant pas la parole, en composant le silence, permet un point d'expulsion de la parole. La parole se prend, de se perdre.
Comme Renart fuyant à travers les broussailles, le balbutiement met en mouvement quelques notions canoniques de la psychanalyse, la répétition, la lettre, le masochisme.
Tout savoir est une déclinaison de ob, oublier, obscurcir, blâmer, se taire. C'est une passe, une passio, une pessa'h - qui ne dépassionnera jamais, mais qui dépassive. Cette passe, faille, défilé, ruelle, douve, ne tient que de trois :
- Le sacrifice du langage, organisant le rituel de l'érotique humaine ; bouche close, absence d'aveu, secret. Ce passage exige la destruction de l'expression linguistique.
- La suppression de la vision, ce sont les clignements de paupières pour une nuit qui édicte le tabou du visible. Coupillage, battement, c'est l'image absente, immontrable et productive d'apparitions-hantises.
- Le geste cruel qui troue les oreilles, rend sourd et déshumanisé, c'est-à-dire entendant et petit animal qui jappe.
Les sordidissima, injures, mouches, paroles irruptives, ne sont pas des anomalies gênantes, elles participent à ces points-moments de combustion et de production.