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menthe 2020iLa menthe à l'eau 2022

Reprenons nos esprits

le samedi 19 mars le matin de 9h30 à 12h

 à L'Agora 64 rue du père Corentin 75014 Paris

 


Actualité


Il s'agit du fait, irréversible jusqu'à nouvel ordre, que le complexe de castration ne saura jamais trouver de solution tant que la société contemporaine persistera à lui confier un rôle inconscient de régulation sociale et on peut exemplifier le rôle de révélateur de ces impasses lors des phases de régression sociale, par exemple quand les régimes fascistes, dictatoriaux, de pouvoir personnel, présidentiel, font naître des phénomènes imaginaires de pseudo-phallicisation collective, qui aboutissent à une totémisation plébiscitaire dérisoire d'un chef.

Félix Guattari Psychanalyse et transversalité 1966


Dans la lignée de Marcuse et de L'homme unidimensionnel , Gilles Châtelet analyse « l'homme moyen » des démocraties-marchés dans lesquelles règne la « Triple Alliance politique, économique et cybernétique » qui prétend « auto-organiser >> la société civile par la fabrication de consensus autour d'un idéal de conformité. Les maîtres-mots du nouvel ordre mondial sont consommer, communiquer, informer. Le politique est congédié au profit du « communicatif ». On se personnalise mais on reste congruant, « c'est-à-dire identique modulo d'une certaine opération de consommation, de relation, ou de communication » . La diversité n'est assurée que par cette opération qui sépare l'individuel et le collectif. Gilles Châtelet, en mathématicien chevronné, montre un traitement du nombre « asservi en majorités lourdes de tous les égoïsmes et de toutes les inerties », une sorte de masse dont la consistance ne repose en fin de compte que sur l'expansion indéfinie (« allant de soi ») de l'individualisme possessif. Le collectif se dégrade en « agrégats », « grumeaux », particularismes. Philosophe conséquent, définis¬sant une zone de l'ordre de l'intolérable , il en appelait à la nécessité de simplifier et (d') approfondir la Démocratie en révélant une affinité plus subtile entre l'Individuel et le Collectif. Cette dimension nouvelle sautera par-dessus les prédictions, les choix réversibles et les « opinions », les pacotilles de la Diversité et des quant-à-soi .
De plus, outre les dangers de populisme d'un tel fonctionnement des démocraties-marchés, Gilles Châtelet cernait dans l'exaltation d'un « désir de pathétique » propre à provoquer des vagues d'indignation dûment organisées par les pouvoirs, une véritable menace de prolifération de psychologies consuméristes exigeant une satisfaction immédiate dans le culte ambiant de la vitesse et de la performance. Les analyses de Gilles Châtelet ont été amplement confirmées par l'émergence d'une forme inédite de pouvoir, actuellement investie par la figure de « la démocratie lacrymale » Celle-ci se prolonge en « démocratie compassionnelle » au service de la réactivité et de l'urgence mais s'accorde fort bien du bruit et de la fureur pour masquer son incurie . Avec, en point d'orgue orchestré politiquement, ses « cellules d'aide psychologiques », la déferlante « psy » s'est engouffrée à cet endroit, occupant une fonction sociale d'effacement des traumas, de promesse de deuils quasi instantanés pour toutes les sortes de victimes que les médias donnent en pâture journellement. Chaque drame des victimes de crimes, de révolte, ou de déchaînement d'éléments naturels sont ainsi propres à sus¬citer la peur, l'indignation, à la fois alimentées et calmées par la sorte de mantra qui ponctue le récit de l'événement par les médias : « Une cellule psychologique s'est immédiatement rendue sur place ». On peut remarquer que l'indignation collective est alimentée, alors que l'angoisse individuelle est amortie. C'est dans cette distorsion entre le niveau collectif propice à démagogie et le niveau individuel rendu apathique que se fabrique une certaine indifférence à la violence humaine.

Gilles Châtelet, Les animaux malades du consensus, édition établie par Catherine Paoletti, Lignes, 2010.
Extrait de 'Passer las plombs, AM Ringenbach, L'unebévue N°28.


Je le dis pour tous les analystes, ceux qui traînent, ceux qui tournent, empêtrés dans les rapports oedipiens du côté du père : quand ils n'en sortent pas de ce qui se passe du côté du père, ça a une cause très précise. c'est qu'il faudrait que le sujet admette que l'essence de la femme ce ne soit pas la castration et pour tout dire que ce soit à partir du réel, à savoir un petit rien insignifiant-je ne dis pas ça au hasard - elles ne sont pas castrables, parce que le phallus, dont je souligne que je n'ai point encore dit ce que c'est, eh bien, elles ne l'ont pas. C'est à partir du moment où c'est de l'impossible comme cause que la femme n'est pas liée essentiellement à la castration que l'accès à la femme est possible dans son indétermination.

Lacan, ... ou pire, séance du 12-1-72.


L'indétermination ou l'imprévisible nature du temps a quelque chose d'effrayant, mais penser avec la précarité fait que « l'indétermination rend la vie possible ». Anna Tsing utilise « le récit comme méthode » : le récit n'est pas le moyen de diffusion d'un savoir stabilisé, il participe de la construction de ce savoir en étant une « pratique de connaissance » et ce faisant, enregistre dans sa forme même les évolutions du rapport à la Terre, à ses vivants, à ses paysages.

Anna Tsing, citée par A-M Vanhove. L'unebévue N°38. 2020.



Lacan, Le moment de conclure, Quelques extraits de la séance du 11-4-78


J'ai énoncé, en le mettant au présent qu'il n'y a pas de rapport sexuel. C'est le fondement de la psycha¬nalyse. Tout au moins me suis-je permis de le dire. Il n'y a pas de rapport sexuel, sauf pour les générations voisines, à savoir les parents d'une part, les enfants de l'autre. C'est à quoi pare-je parte au rapport sexuel - c'est à quoi pare l'interdit de l'inceste.
Comment savoir où s'arréter dans l'interprétation des rêves ? Il est tout à fait impossible de comprendre ce qu'a voulu dire Freud dans L'interprétation des rêves. C'est bien ce qui m'a fait, il faut bien le dire, délirer quand j'ai introduit la linguistique dans ce qu'on appelle une pâte bien efficace, tout au moins nous le supposons, et qui est l'analyse.
Qu'est-ce qu'il en était au temps de Freud ? Il y a évidemment une question d'atmosphère comme on dit, de coordonnées qu'on appelle culturelles. Je veux dire qu'on reste dans les pensées et agir par l'intermédiaire de la pensée, c'est quelque chose qui confine à la débilité mentale. Il faudrait qu'il existe un acte qui ne soit pas débile mental. Cet acte, j'essaye de le produire par mon enseignement. Mais c'est quand même du bafouillage. Nous confinons ici à la magie. L'analyse est une magie qui n'a de support que le fait que, certes, il n'y a pas de rapport sexuel, mais que les pensées s'orientent, se cristallisent sur ce que Freud imprudemment a appelé le complexe d'Œdipe.
Je crois qu'en m'employant à la psychanalyse, je la fais progresser. Mais en réalité, je l'enfonce. Comment diriger une pensée pour que l'analyse opère ?
Dans le passage du signifiant, tel qu'il est entendu, au signifié, il y a quelque chose qui se perd, en d'autres termes, il ne suffit pas d'énoncer une pensée pour que ça marche
Il y en a trois, trois générations, entre lesquelles il y a du rapport sexuel. Ça entraîne bien entendu toute une série de catastrophes et c'est ce dont Freud, somme toute, s'est aperçu.
Pourquoi le désir passe-t-il à l'amour ? Les faits ne permettent pas de l'expliquer. Il y a sans doute des effets de prestige. Ce qu'on appelle la supériorité sociale doit y jouer un rôle ; en tous les cas, pour Freud, c'est vraisemblable. L'ennui c'est qu'il le savait. Il s'est aperçu que cet effet de prestige jouait. du moins c'est vraisemblable qu'il s'en soit aperçu.
Je m'imagine que l'analyse, je veux dire en tant que je la pratique, c'est ce qui m'a rendu borné. C'est, il faut le dire, une excellente méthode de crétinisation que l'analyse. Mais peut-être que je me dis que je suis borné parce que je rêve, je rêve de l'être un peu moins.



Lacan, La topologie et le temps
Quelques extraits 1978-79

 

La topologie est imaginaire. Elle n'a pris son développement qu'avec l'imagination. Il y a une distinction qui est à faire entre l'imaginaire et ce que j'appelle le symbolique. Le symbolique c'est la parole. L'imaginaire en est distinct.
19 décembre 1978

La métaphore du noeud borroméen à l'état le plus simple est impropre. C'est un abus de métaphore, parce que en réalité, il n'y a pas de chose qui supporte l'imaginaire, le symbolique et le réel. Qu'il n'y ait pas de rapport sexuel, c'est ce qui est l'essentiel de ce que j'énonce. Qu'il n'y ait pas de rapport sexuel parce que il y a un Imaginaire, un Symbolique et un Réel, c'est ce que je n'ai pas osé dire. Je l'ai quand même dit.
Il est bien évident que j'ai eu tort, mais je m'y suis laissé glisser. Je m'y suis laissé glisser tout simplement. C'est embêtant, c'est même plus qu'ennuyeux. C'est d'autant plus ennuyeux que c'est injustifié, c'est ce qui m'apparaît aujourd'hui, c'est du même coup ce que je vous avoue. Bien !
9 janvier 1979

Je suis plutôt embêté de ce que je vous ai annoncé la dernière fois, à savoir qu'il faut un troisième sexe. Ce troisième sexe ne peut pas subsister en présence des deux autres. Il y a un forçage qui s'appelle l'initiation. La psychanalyse est une anti-initiation. L'initiation, c'est ce par quoi on s'élève, si je puis dire, au phallus. C'est pas commode de savoir ce qui est initiation ou pas. Mais enfin, l'orientation générale, c'est que le phallus, on l'intègre. Il faut qu'en l'absence d'initiation, on soit homme ou on soit femme. Bon.
16 janvier 1979