PLACE PUBLIQUE 2025
Le travail du rêve freudien comme production transindividuelle ?
Intervention - Débat par Isis Castañeda Capriroli
samedi 1er février de 9h à 16H30
à L'Agora 64, rue du Père Corentin Paris 75014
Métro ligne 4 Porte d'Orléans, Bus 38 & 92, Tram T3a
Argument
Nous ne sommes pas loin d'avoir l'idée que se manifeste dans le travail de rêve une puissance psychique qui, d'une part, dépouille de leur intensité les éléments ayant une haute valeur psychique et, d'autre part, crée par la voie de la surdétermination, à partir d'éléments ayant une valeur moindre, de nouvelles valeurs qui parviennent ensuite dans le contenu de rêve. S'il en va ainsi, c'est que dans la formation du rêve a eu lieu un transfert et déplacement des intensités psychiques de chacun des éléments — transfert et déplacement qui ont pour conséquence visible les versions distinctes du texte entre le contenu de rêve et les pensées de rêve. Le processus que nous supposons ainsi est bel et bien la pièce essentielle du travail de rêve, il mérite le nom de déplacement de rêve. Déplacement de rêve et condensation de rêve sont les deux maîtres ouvriers à l'activité desquels nous pouvons attribuer principalement la mise en forme du rêve.
Sigmund Freud, L'interprétation du rêve, p. 352.
Une armée n'est donc pas un simple total, comme les chiffres de la statistique, dont les unités sont homogènes, elle est un tout comme un être vivant. Elle est un nombre si l'on veut, mais un nombre vrai, objectif, qui reste tel hors de la pensée nombrante. En elle s'incarnent non seulement une quantité définie à chaque instant d'énergie sous forme de poudre et de boulets, de nerfs et de muscles, mais une somme déterminée à chaque instant de dogmatisme ou d'entêtement patriotique qui passe, identique à lui-même, à travers les canons roulés, les marches forcées, les tambours : battants, les fanfares. On se bat enfin. Pourquoi ? Parce qu'il faut bien appuyer sur une démonstration solennelle et incontestée le jugement de supériorité que chaque belligérant porte sur soi. Un combat, en même temps qu'il est la solution d'un problème de mécanique, est une opération « d'arithmétique morale », une soustraction.
Gabriel Tarde, La logique sociale, pp. 275-276.
En ce qui concerne en particulier le transfert de pensée, il me semble franchement favo¬riser l'extension du mode de pensée scientifique — les adversaires disent : mécaniste — au domaine de l'esprit, si difficile à saisir. Le processus télépathique consisterait en effet en ce qu'un acte animique d'une certaine personne suscite le même acte animique chez une autre personne. Ce qui se trouve entre les deux actes animiques peut aisé¬ment être un processus relevant du physique [physikalisch], dans lequel le psychique se transpose à un bout et qui, à l'autre bout, se transpose de nouveau dans ce même psychique. L'analogie avec d'autres transpositions, comme lorsqu'on parle et qu'on écoute au téléphone, ne saurait ici être méconnue. Et imaginez que l'on puisse mettre la main sur cet équivalent — relevant du physique [das Physikalische] — de l'acte psychique ! Je voudrais dire qu'en intercalant l'inconscient entre ce qui relève du physique et que qu'on appelait jusqu'à présent « psychique », la psychanalyse nous a préparés à admettre des processus comme la télépathie.
Sigmund Freud, Rêve et occultisme, (1932 [1933a]), pp. 137-138.
J'ai l'impression que, jusqu'à un certain point, Freud n'a pas su intégrer à sa théo¬rie des groupes l'apport révolutionnaire qu'il faisait à l'explication des névroses en cherchant l'origine, non plus dans l'individu lui-même, mais dans ses relations objectales. Le point important dans l'observation du groupe est qu'on change le ter¬rain d'études, de façon à englober des phénomènes impossibles à observer en dehors du groupe. Leur activité ne se manifeste, en effet, dans aucun domaine d'études extérieur au groupe. Le groupe, en tant que somme des individus réunis dans une pièce, n'ajoute rien à l'individu ou à l'agrégé des individus : il ne fait que révéler quelque chose qui, sans lui, demeurait invisible.
Wilfred R. Bion, Recherches sur les petits groupes, p. 90.Freud opte [dit Dadoun] pour le parti inverse en avançant l'idée d'un ombilic du rêve, point non plus de relais mais de blocage, garrot indispensable à l'arrêt de l'interpré¬tation, « noeud serré de pensées du rêve qui ne se laisse pas démêler mais qui n'ap¬porte aucune nouvelle contribution au contenu du rêve » ; ce point, posé par une sorte de coup de force, « repose sur l'inconnu ». Mais tout en étranglant l'activité onirique dans le noeud serré de l'ombilic du rêve, Freud préserve la possibilité d'une circulation moléculaire, susceptible d'une nouvelle approche : les pensées du rêve, ajoute-t-il, « se ramifient de tous les côtés dans le réseau compliqué de notre univers mental ». Ramifications, alors, qui font exploser l'ombilic, qui produisent une « mosaïque d'éclats », une multitude d'ombilics du rêve, noeuds ouverts, desserrés, par où la réflexion onirique peut prendre le large.
Roger Dadoun, « Les ombilics du rêve », p. 250.
Cette violence du régime colonial n'est pas seulement vécue sur le plan de l'äme, mais aussi sur celui des muscles, du sang. Cette violence qui se veut violente, qui devient de plus en plus démesurée, provoque irrémédiablement la naissance d'une violence intérieure chez le peuple colonisé et une colère juste prend naissance et cherche à s'exprimer.
Franz Fanon, « Pourquoi nous employons la violence », L'an V de la révolution algérienne, p. 172.
On voit ici à nouveau que ces rêves s'inscrivaient dans le cadre du possible ou plutôt de l'impossible qui était justement en voie de se réaliser
Charlotte Beradt, Rêver sous le Ille Reich, 1966, p. 97.
Pourquoi ne vivons-nous pas, ne reproduisons-nous pas toujours les mêmes évé¬nements ? C'est donc qu'il y a en nous, parallèlement au désir de permanence, un désir de transformation, qui dissout les contenus de représentation individuels en un matériau similaire, tiré des temps anciens, et qui devient ainsi, aux dépens de l'in¬dividu, un désir typique, c'est-à-dire propre à l'espèce projeté vers l'extérieur, appa¬raît sous forme d'une oeuvre d'art. L'on se cherche un double, parent ou ancêtre, en qui le Moi peut se dissoudre et disparaître insensiblement, sans brutal anéantisse¬ment. Et pourtant, que signifie cette disparition pour le Moi sinon la mort ?
Sabina Spielrein, La destruction comme cause du devenir, 1912, pp. 241-242.
Le matin
Nous projetterons un film qui soulève des questions sur la relation entre les vies oniriques de différent.es reveur ·euses partageant un même territoire.
L’après-midi,
Nous nous interrogerons sur la possibilité de concevoir la notion freudienne de travail du rêve comme un processus molécu1aire qui se tisse dans la transvaluation libidinale des mots et des choses. Cela en mettant en lumière une conception de l'inconscient comme une production qui trouble et redessine, à travers des couches micropolitiques, les frontières entre l'individuel et le collectif.
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Des articles et des livres :
Sigmund Freud,
L'interpretation du rêve, 1900.
Rêve et occultisme,(1932 [1933a).
Felix Guattari et Suely Rolnik,
Micropolitiques, 1986.
Gabriel Tarde,
La logique sociale, 1895.
Sur le sommeil - Ou plutôt sur les rêves. Edité par Louise Salmon et Jacqueline Carroy, 2009.
Sabina Spielrein,
La destruction comme cause du devenir, 1912.
Wilfred Bion,
Recherches sur les petits groupes, 1965.
Charlotte Beradt,
Rêver sous le Ille Reich, 1966.
Frantz Fanon,
L'an V de la révolution algerienne, 1959.
Roger Dadoun,
« Les ombilcs du rêve » Dans L'espace du rêve. Nouvelle revue de psychanalyse, 1972.
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Inscription sur place à 9h.
Participation aux frais pour la journée : 30 euros - tarif réduit possible.
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L’unebévue revue de psychanalyse
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