560150bw.png

CLINIC ZONES 2025

CZ marseille juin 22i

COMPOSTFREUDIEN

Une quatrième blessure narcissique

Marseille, les 24 & 25 mai 2025
À La Maison de la Suisse
7, rue d'Arcole 13006 Marseille
Samedi de  9H à 18H et dimanche de 9H à 16H

PLACE PUBLIQUE & CONFÉRENCES 2025

Samedi 18 Janvier 2025

Ce travail sur Moïse est comparable à une danseuse faisant des pointes

Samedi 1er Février 2025

Le travail du rêve freudien comme production transindividuelle ?

Samedi 15 Mars 2025

Encore une fois... la poésie

Samedi 5 Avril 2025

La question de la sensation dans l'exercice de la psychanalyse

Samedi 14 Juin 2025

 Se défaire de la pensée straight

 à L'Agora, 64 Rue du Père Corentin 75014 Paris

de 9h à16h30

36 iL'Unebévue N°36 : Maintenir la vision

ISBN : 978-2-914596-57-2, ISSN : 1168-148X , 256 pages, 22€.

Comité nomade : Anne-Marie Vanhove, Xavier Leconte, Marie Jardin.

 Supprimer l’agonie. Marie Magdeleine Lessana

 

A propos de la peinture de Ceija Stojka

La peinture de Ceija Stojka est une œuvre du présent, -un présent incessant-, non pas une œuvre de mémoire.
Petite Rom, déportée à l’âge de onze ans.
À 45 ans, elle rencontre une femme journaliste qui l’invite à dire et écrire l’expérience. Elle n’avait pas parlé de ça jusque là, car elle n’avait pas eu de véritables raisons, ni d’occasions de parler des camps avant. Parler de n’était pas son mouvement naturel.
À 55 ans, on l’invite au Japon pour raconter. Un enfant japonais lui demande un dessin, elle lui offre une carte postale. L’enfant voudrait une image faite par elle. Ceija n’a jamais dessiné. Elle plonge ses doigts dans la peinture et peint un champ de tournesols. Le tableau vibre. Ce sera le premier d’une longue série. Une œuvre.
Le geste a levé une digue, ouvert un flot d’images surgies du présent.

 
 

Les tableaux se forment sous ses doigts, dans sa cuisine, avec des batons, des chiffions, des éponges. Ceija a toujours onze ans. On est avec elle dans les camps. On n’a pas d’âge.
Elle est revenue de là d’où l’on ne revient pas. Est-elle revenue ? Qui ? Quoi est revenu ?
Elle connaît le présent, un mode de vie ancestral.
Le vent du chemin, les chants de la communauté roulante, la langue secrète des Tsiganes, la chaude vie nomade de la route, la beauté des ciels, les mélodies des oiseaux, la profondeur de la nuit, l’ampleur de la campagne autrichienne, la dureté des choses à inventer chaque jour dans la débrouille, le vol, la rudesse, le danger, les passions. C’est la vie du présent.
Même à Auschwitz, à Ravensbrük, à Bergen Belsen sa mère continue, tenace, à fabriquer la vie au présent avec rien, dans le froid glacé, la faim, la terreur, la mort imminente, la mort certaine. Elle bricole le peu qu’elle trouve, elle saisit les interstices.
Ceija sait voir la faille, regarder dans la fente. En danger, elle aiguise une acuité de chaque situation, elle trouve des solutions minuscules. La peinture des bottes flottantes des SS me fait dire qu’entre innocence poétique et sagesse tremblante, elle devine l’instant de faiblesse des bourreaux. Elle saisit la cruauté chaque fois cinglante, la subit toujours comme un événement, jamais comme un engloutissement massif. Une cruauté fissurée. Leur haine et leur brutalité montrent quelques soubresauts, des accents que les femmes tsiganes savent percevoir.

Les textes de Ceija, et davantage ses peintures, ne la tuent jamais entièrement, ni ne la sauvent.
Ils déploient la force inouie du présent.

Marie-Magdeleine Lessana, Paris, 2019.