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39iL'UNEBÉVUE N°41 : Appareils matériels-discursifs de production corporelle

ISBN : 978-2-914596-69-5-1, ISSN : 1168-148X , 25€.

Comité nomade : Marie Jardin, Luc Parisel.

Cahiers de l'Unebévue :  À la rencontre de l'univers. Tome 4 : Enchevêtrements quantiques. Karen Barad

L’unebévue-éditeur, 2024. (Supplément gratuit aux abonnés).


Sommaire

 

Expérience Barad. Denis Petit

« Bienvenue dans le monde de la métaphysique expérimentale ! » nous dit Karen Barad dans son livre À la rencontre de l’univers. L’espace « contenant » et le temps incrémenté régulièrement relèvent d’un imaginaire de dimensions absolues qui met en place une métaphysique fétichisée dans une cartographie soi-disant objective : des corps bien délimités avec des propriétés intrinsèques. La remise en cause de ces conceptions conduit à interroger la relation entre discours et matérialité, et par extension, dans le domaine sociopolitique, entre les structures économiques et les subjectivités, comme Barad le fait dans le chapitre 1 du tome 4 : « Re(con)figurations de l’espace-temps : forces naturelles-culturelles et topologies changeantes du pouvoir ». Ainsi, la relation cause/effet, en tant que notion métaphysique, se trouve remaniée dans sa nature par le réalisme agentiel proposé par Barad. Il s’agit d’un matérialisme des enchevêtrements dynamiques de relations, plutôt qu’un réalisme des propriétés d’objets déjà constitués.

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La luge et le cristal. C. Frézel

Poème

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Psychanalyse et décolonialité. Luc Parisel

Psychologie de la colonisation d’Octave Manonni, Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et Peau noire masques blancs de Franz Fanon, ce débat des années 1950 a été le point d’appui que les philosophes de la libération ont trouvé, une petite cinquantaine d’années après, pour élaborer les concepts de « modernité/colonialité - décolonialité ». « Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! » Telle est la phrase incantatoire qui clôt Peau noire, masques blancs. Fanon formule à travers ces quelques mots les catégories de base de l’épistémologie frontalière : la perception biographique du corps noir dans le tiers-monde ; la fixation d’une politique de la connaissance ancrée à la fois dans le corps et dans les histoires locales. L’épistémologie frontalière permet une pensée géo-politique et corpo-politique.
La sociogenèse est soutenue par et dans l’épistémologie frontalière, non pas par et dans l’épistémologie territoriale sur laquelle reposent les disciplines existantes. Elle permet de se déprendre des pensées occidentales, même si Fanon écrit en français impérial/colonial et non en créole français. En se déprenant, Fanon s’engage dans la désobéissance épistémologique.
Pendant la guerre froide, « les fronts nationaux de libération » étaient synonymes des « fronts de décolonisation ». La décolonialité est un projet plus ample qui subsume la libération/décolonisation. La décolonialité initie un revirement et inverse le sens des éthiques et des politiques de la connaissance. Les théories critiques décoloniales émergent dans les décombres des langages (afrikaans, arabe, aymara, créole français, hindi, ou pidgin anglais, etc.) où s’exprimaient des concepts et des subjectivités que la rhétorique de la modernité et la logique de la colonialité n’ont pas cessé de nier.
Deleuze et Guattari ont problématisé des projets de transformations nécessaires de la psychanalyse, tout en reprenant par exemple, cette déclaration de Lacan en 1969, à propos d’analysants du Haut-Togo : « Leur inconscient fonctionnait selon les bonnes règles de l’œdipe… c’est-à-dire qu’il était l’inconscient qu’on leur avait vendu en même temps que les lois de la colonisation, forme exotique du discours du Maître, tout à fait régressive face du capitalisme qui est justement ce qu’on appelle impérialisme ».

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Colonisation et psychanalyse. Octave Mannoni

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L'impossible contact. Aimé Césaire

Manuscrit et texte imprimé

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Still lifes matter. Marie Jardin

Jia Zhangke, au fil d’échanges accompagnant ses deux films de 2006, Dong et Still life, permet de saisir combien ce tournage simultané a été singulier. Lorsqu’il est aux Trois Gorges, barrage gigantesque en cours de construction- démolition, à partir de ce qu’il a vu et ressenti et la façon dont il en a été « attendri », il écrit : « C’est comme si ma créativité était un corps humain dont les points vitaux mourants avaient été tonifiés ». « À l’instant même où je suis entré dans cette région, mon cœur m’a semblé humide ». L‘expression de la porosité aux êtres et aux choses ne saurait être mieux dite ! Et la façon dont le peintre Liu Xiaodong « l’influence » quant à un certain « regard » et une poétique des relations est présente dans les deux films. Faire une image qui prend pour objet des relations, qui s’adresse à ce qui ne se laisse pas voir dans le visible, à ce qui ne se laisse pas penser dans la pensée. « Donnez-moi un corps » écrivait Deleuze à propos du cinéma et de ses signes, quand l’image comme image-mouvement n’est plus uniquement dépendante d’un vecteur sensori-moteur. Entre des ruines qui font à peine support pour les pieds, les trous béants des maisons où il n’y a plus de fenêtres pour faire cadre au regard, les terrasses non reliées, la reconfiguration permanente du lieu selon les pans de murs qui tombent avec fracas, s’engage une multitude de façons de regarder dans un espace qui n’est plus connecté par une organisation et des habitudes, mais qui en garde les traces. Dans un lieu « dé-signifié » de tout ce qui fait habitat normé, et dans le dénuement, des modes de vie sont signifiés par plusieurs régimes de signes qui s’enchevêtrent. Des signes a-signifiants, comme une couleur verte récurrente sur ce qui reste de murs, et qui n’est pas seulement un accord avec le chemisier jaune de Shen ou le vert de l’eau ; Jia Zhangke dit que c’est la couleur de son enfance, la couleur des bâtiments administratifs des années 1960 et le respect strict de la mesure-étalon de la hauteur de la taille de ces enduits.

...127

Abe Sada, geisha, catin, étrangleuse, star. Alberto Sladogna

Dans son livre, Geisha, Harlot, Strangler, Star: A Woman, Sex, and Morality in Modern Japan, paru en 2005, William Johnston décrit la vie d’Abe Sada, geisha, catin, étrangleuse et star médiatique, dont l´histoire a enflammé l’imaginaire populaire du Japon pour y rester ancrée. « C’était une meurtrière, mais en même temps une héroïne », affirme le sociologue japonais Takeo Funabiki, « elle a brisé ce moule de servitude qui étouffait tout le monde »

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Une ouverture de La conspiration des enfants de Camille Louis. Mireille Lauze

La toux-souffle détourne Camille Louis de son projet de reprendre sa thèse universitaire dans un livre de philosophie politique. Les fumées des incendies qui ravagent plusieurs lieux terrestres en cet été 2021 et font tousser tant de vivants, l’obligent à lever le nez et à s’aventurer en dehors d’une savante rédaction. Philosophe, dramaturge, activiste sur des terrains concrets de luttes et mobilisations, Camille Louis se déplace entre scènes artistiques, places politiques, et plateaux philosophiques. Là peut s’entendre son compagnonnage avec Félix Guattari et surtout Gilles Deleuze qui ont conspiré sur 1000 plateaux. Sa pratique d’écriture danse sur trois pieds, compose trois points-de-voir habituellement séparés par la rationalité disciplinaire.

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Supplément au n°41

Karen Barad,
À la rencontre de l’univers,
La physique quantique et l’enchevêtrement matière-signification
Traduit de l’américain par Denis Petit
Tome 4
ENCHEVÊTREMENTS QUANTIQUES
Métaphysique expérimentale, ontologie du savoir,
intra-activité du devenir, éthique de la matiérisation