Avec obstination, en tant que praticien de la psychanalyse, Jean-Claude Molinier, interroge l’usage que Lacan fait de Peirce pour « sortir » du structuralisme et prenant Peirce en sympathie et en s’appuyant sur des sémioticiens, il nous propose une enquête sémiotique et épistémologique sur cette élaboration peircienne dont les conséquences nous réservent bien des surprises.
Des conséquences sémiotiques : où l’on chemine dans l’élaboration de Peirce selon son principe de continuité, du passage de la première à sa seconde sémiotique dynamique dans laquelle l’icône, trop souvent confondue avec l’image, ne désigne pas un signe mais un « devenir-signe », un processus sémiotique. Où l’analyse, pas à pas, du phénomène perceptif (synthèse médiate, abstraction préscisive, abduction) nous permet de déplier le processus sémiotique à l’œuvre et d’y repérer le rôle de chacune des catégories et notamment la présence de la tiercéité en priméité, y jouant un rôle de médiation. Chemin faisant, on découvre les erreurs le plus souvent commises par les sémiologues qui limitent la ternarité catégorielle à la trichotomie icône, indice, symbole, écrasant ainsi la sémiotique peircienne triadique pour en faire une sémiologie dyadique.
Des conséquences psychanalytiques : où l’on ravive le débat Recanati- Lacan autour de la production des formules de la sexuation. Où s’effectue un rapprochement entre la ternarité catégorielle de Peirce et le ternaire lacanien RSI et où l’on découvre que le clin d’œil énigmatique que Lacan fait à Pierce en désignant « l’âme-à-tiers » lui permet d’indiquer ainsi le Réel.
Des conséquences épistémologiques : où l’on constate – habitués que nous sommes à baigner dans une logique du tiers exclu et à penser la coupure comme discontinuité – que l’élaboration de Peirce présuppose une pensée du continu et une logique du tiers inclus faisant place à la notion de milieu, préfigurant les logiques de la contradiction et celle au fondement de la mécanique quantique, introduisant ainsi une autre approche de la discontinuité. Ayant pour entrée « l’état esthétique de l’esprit » chez Peirce, le squelette de ce texte est formé de fragments, comme autant de « brèches de continuité » dans le processus continu de la sémiose vivante.
N’hésitez pas, lisez-le comme un roman policier ou comme une road story.
René Marchio